Articles du Télégramme du 3 avril 2023

Article du Télégramme du 3 avril 2023 par Thierry Charpentier

Télégramme du 3 avril 2023, article de Thierry Charpentier : Accusé de viol et agression sexuelle, le cardiologue pontivyen injectait un sédatif

Accusé de viol et agression sexuelle, le cardiologue pontivyen injectait un sédatif

Un ancien cardiologue Pontivyen, accusé d’un viol et de deux agressions sexuelles, comparaît toute la semaine devant les assises du Morbihan, à Vannes. Daniel M’Bey nie, et s’enlise. Illustration avec un interrogatoire, survenu ce lundi après-midi.

« On peut se recentrer sur notre problème ? ». Il est 15 h 25, ce lundi 3 avril 2023, et Claire Le Bonnois, présidente de la cour d’assises, ne masque pas un brin d’agacement. Une demi-heure auparavant, elle a demandé à Daniel M’Bey de s’expliquer sur les premiers faits dont il est accusé : un viol, qu’il aurait commis le 27 octobre 2018, dans son cabinet de radiologie. Après avoir doctement expliqué qu’un viol est un acte de pénétration sexuelle « commis par violence, contrainte, menace ou surprise », et que, dans le cas présent, le consentement était mutuel, l’accusé s’est lancé dans une longue logorrhée. Bilan biologique, céphalées, tension artérielle… Le médecin, âgé de 62 ans, est intarissable sur la santé de sa patiente, alors âgée de 21 ans.

« Comme ça, de but en blanc ? »

Il perd de sa faconde quand il s’agit de raconter comment il a pu éjaculer sur la jeune femme, le 27 octobre 2018. C’était un samedi. Michèle (*) a rendez-vous pour une échographie dans son cabinet, fermé ce jour-là. « Je fais l’examen du cœur et pendant ce temps, on échange. Elle est torse nu. À la fin de l’examen, je suis rentré dans une sphère privée… ». Claire Le Bonnois : « C’est-à-dire ? ». Il précise : « Je suis tombé sous son charme. J’en suis venu à lui demander d’ôter son pantalon ». La présidente : « Comme ça, de but en blanc ? ». Lui, sans ciller : « On a beaucoup parlé avant. C’était significatif… ».

« Sans aucun préliminaire ? »

À l’écouter, Michèle peine à enlever son pantalon. Elle a subi une injection de mydazomal, un sédatif, doublé d’un hypnotique, à action rapide, car « sa tension artérielle n’était pas stable ». Claire Le Bonnois, circonspecte : « Et vous pensez qu’elle avait toute sa capacité à agir ? ». Daniel M’Bey : « Elle n’avait pas d’abolition du discernement ! ». Toujours selon ses dires, Michèle enlève la jambe gauche de son pantalon, et de sa culotte. Au comble de l’excitation, il l’enjambe et jouit, sans la pénétrer, raconte-t-il. La présidente, interdite : « Sans aucun préliminaire ? ». Il dit qu’elle était « excitée aussi ».

« Vous avez très bien répondu »

Pourquoi Daniel M’Bey n’a-t-il pas dit cela en garde à vue ? Lors de sa première audition, il a nié en bloc. Confronté aux résultats ADN, il a concédé un rapport sexuel consenti, avec pénétration, en troisième audition. Et lors de son quatrième interrogatoire, il a dit avoir fait « une bêtise » et avoué avoir injecté l’hypnotique.

« La garde à vue a été très particulière. J’ai été sommé d’avouer ! », s’exclame-t-il. L’avocat général, Yann Richard, qui se contenait coi jusque-là, s’est levé : « Mais c’est vous qui demandez à être réentendu ! ». Acculé, le cardiologue évoque une lutte intérieure avec son serment de ne pas trahir le secret médical. L’avocat général saisit la balle au bond : « Le secret médical protège qui, docteur ? Et le fait d’injecter un produit sédatif, qui endort quelqu’un, entre-t-il dans le domaine de la surprise ? ». L’accusé : « Je ne vais pas répondre. Votre question est un piège ». L’avocat général : « Vous avez très bien répondu ».

 

Article du Télégramme du 3 avril

Télégramme du 3 avril 2023, article de Thierry Charpentier : Un cardiologue jugé pour viol et agressions sexuelles devant les assises du Morbihan

Un cardiologue jugé pour viol et agressions sexuelles devant les assises du Morbihan

Daniel M’Bey, cardiologue à l’hôpital de Pontivy, comparaît toute cette semaine devant la cour d’assises du Morbihan, à Vannes. Il est accusé d’un viol et de deux agressions sexuelles. Ce lundi matin, il se livre abondamment sur ses problèmes de santé.

Il est 10 h 50, ce lundi. La présidente demande à Daniel M’Bey de quitter son box pour venir à la barre, devant la cour. Costume bleu, chemise blanche, le cardiologue de 62 ans, né au Congo, marié et père de six enfants, s’avance. À la main, il tient un bloc de post-it rose. Il y annotera parfois des choses.

« Madame la présidente, vous n’avez pas tout lu ! »

Avant d’obtenir un placement sous surveillance électronique en avril 2021, Daniel M’Bey fut placé en détention provisoire, le 15 novembre 2018, à Vezin-le-Coquet. « Une période pénible, le mot pénible est peut-être faible », souffle-t-il. Il énumère une longue liste de problèmes médicaux dont il a souffert. « J’ai été négligé », estime-t-il. La présidente plonge dans son dossier médical, cite quelques pathologies qui ont nécessité des soins. « Effectivement, vous avez eu beaucoup de soucis de santé », ponctue-t-elle. « Madame la présidente, vous n’avez pas tout lu ! », la reprend-il, avant de demander une lecture exhaustive, et contestant au passage certaines conclusions de l’expertise médicale.

Trois traces de piqûres

La carrière professionnelle de Daniel M’Bey a commencé à vaciller le 28 octobre 2017. Il est 1 h 15 du matin. Les gendarmes de Pontivy se rendent à l’hôpital. Une jeune femme de 21 ans, Michèle *, dit s’être fait violer par son cardiologue. Son avant-bras laisse apparaître trois traces de piqûres. Deux d’entre elles sont consécutives aux prises de sang qu’elle vient de subir. La troisième découle d’une injection, faite par Daniel M’Bey le jour précédent. C’était un samedi. Son cabinet était fermé mais il lui avait donné rendez-vous, en matinée, pour un électrocardiogramme.

Traces de sperme

Daniel M’Bey demande à sa patiente de se mettre torse nu, sur le dos. Il lui administre une piqûre. C’est le trou noir, ponctué de flashs : elle entend le bruit d’une ceinture qu’on enlève, puis elle l’entrevoit sur elle, murmurant « je t’aime bien Michèle ». La suite ? Elle le voit s’affairer à lui remettre sa culotte et son pantalon. Il lui murmure qu’il a une photo d’elle dans son téléphone portable. Groggy, Michèle parvient à noter le nom inscrit sur un flacon : Mydazolam, un sédatif doublé d’un hypnotique. Ce samedi-là, elle doit ensuite se rendre à Saint-Brieuc, pour rendre visite à une amie hospitalisée. Elle a un accident matériel sur le trajet. Le lendemain, elle se confie à sa mère. Toutes deux se rendent à l’hôpital de Pontivy. L’examen génital révèle des traces de sperme sur le pubis, mais aussi sur sa culotte et son pantalon.

« Je n’ai pas pu contrôler ma pulsion »

Daniel M’Bey est placé en garde à vue le 14 novembre 2018. Il conteste, jusqu’à être mis devant les analyses ADN : les traces de sperme correspondent à son profil génétique. Il admet alors « une pénétration consentie. Je n’ai pas pu contrôler ma pulsion. J’ai commis une bêtise. Je m’excuse et me repens ». Il convient lui avoir inoculé un milligramme de Mydazolam. Une information judiciaire est ouverte. Tandis qu’il est placé en détention provisoire, Michèle, elle, devra être hospitalisée pendant trois mois. Syndrome post-traumatique, conclura le médecin, qui ne décèle aucun trouble psychiatrique.

Un produit injecté

Les enquêteurs élargissent leurs investigations. Ils entendent Florence *. Elle raconte que le 21 janvier 2017, l’accusé lui avait donné rendez-vous à l’hôpital de Noyal-Pontivy, où il exerce depuis 2001. Il lui avait injecté un produit. Lorsqu’elle s’était réveillée, il était occupé à lui toucher la poitrine. Dans la foulée, il avait voulu l’inviter à déjeuner et à passer le week-end avec lui. Elle avait décliné. Daniel M’Bey est mis en examen pour agressions sexuelles. Il conteste, évoque un complot fomenté par les parties civiles. L’affaire devient publique et est relatée dans les journaux.

Nouvelle mise en examen

C’est là qu’une autre jeune femme, Agathe *, se fait connaître auprès des enquêteurs. Elle se souvient qu’au printemps 2018, l’accusé lui a touché la poitrine, a tenté de l’embrasser. Il a aussi multiplié des questions incongrues, sur sa virginité par exemple. Il a prétexté vouloir photographier sa cicatrice, au niveau de l’abdomen, lui demandant de bien baisser sa culotte. Il lui a aussi offert un thé. Elle ne s’est pas souvenue de la suite. Plusieurs fois, il l’a raccompagnée chez elle, en lui caressant la cuisse sur le trajet. Elle a fini par se rebiffer. Daniel M’Bey est de nouveau mis en examen pour agressions sexuelles. Son matériel informatique est saisi. Le disque dur contient des images pornographiques adultes, dont l’une met en scène un médecin pénétrant une patiente.

« J’ai beaucoup plus été dans les études que dans la sexualité »

Pendant sa détention, Daniel M’Bey a écrit un long courrier au juge d’instruction. Il se décrit comme « empathique, se sacrifiant beaucoup pour les autres. Je pense que je suis né pour rendre service ». Il a décroché son bac scientifique à Brazzaville. « J’aimais beaucoup la science depuis mon jeune âge ». Il opte pour des études de médecine, en sort diplômé en 1987. Il a 27 ans. Il va diriger deux hôpitaux au Congo avant de rejoindre la France en 1999. Il obtient son diplôme de cardiologie en 2000. Après Toulouse et Montpellier, il arrive à Guingamp puis Pontivy, où il débute en novembre 2001. Il l’assure : « J’ai beaucoup plus été dans les études que dans la sexualité ».

(*) Tous les prénoms sont modifiés